Ecrire un livre : une galère ?
novembre 04, 2016
Je dois l’avouer, la prose de mes
articles n’indique en rien que je me crois en réalité la cousine à papi
Baudelaire. Et pourtant. Sachez, mes agneaux, que l’écriture rythme ma vie et
est la source de mes rêves les plus -cons- fous depuis moult années. Alors,
bon, du coup, je me suis dit tiens, pourquoi pas étaler ta pseudo science et
ton expérience ? Pas vrai ? Allez. Viens, on est bien.
Il y a une dizaine d’années,
alors que j’étais une jeune fille en pleine fleur de l’âge, j’ai été touchée
par la grâce. Les fanfictions. Un monde étrange hébergé par ce bon vieux
skyblog (je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas
connaaaîtreuh) et peuplé d’histoires déraisonnablement tordues qui n’avaient ni
l’orthographe, ni la grammaire, ni la forme, ni rien des bons récits mais qui,
finalement, ont été une période merveilleuse pour bon nombre d’entre
nous : les fans. D’un groupe de rock, je crois. Allemand. A base de tubes
de laque, de maquillage, de dreadlocks et de foutage de gueule, aussi, un peu.
Bon. Chacun sa vie, me juge pas, ok ?
Les blogs sont devenus forums,
les trames infantiles (et un poil débiles) bien plus sérieuses et certains
d’entre nous sont partis à la recherche ardue d’un véritable style. Si la vie
nous a happé et nous a envoyé valser dans le brouillard épais d’une vie qui se
veut responsable, la flamme est restée intacte et, après quelques temps en
stand-by ponctués de RPG (démerdez-vous, cherchez, parce que je me fous suffisamment
à poil là, hein), je suis revenue à un art bien plus conventionnel.
On va faire ça bien, en plusieurs
parties et un plan organisé. C’est parti ?
Quand l’idée naît, elle ne t’envoie
généralement pas une notification. Elle arrive, comme ça, un genre d’éclair
assez perturbant qui te laisse plutôt con. Dans ce cas, mon ami, note-la sans
attendre ! Prend un carnet, un post-it, une serviette hygiénique, que
sais-je ! Écris tout ce qui te vient, le bon comme l’inintéressant, tu
feras le tri après.
Pour moi, la première idée est
arrivée lors d’une relecture des premières phrases d’un ancien projet dont je
ne me rappelais même pas. Ces quelques mots ont suffi. Bam, la trame, le titre,
les personnages, tout ! La classe, je sais.
Si au départ, dans ton esprit, ça
n’est que brouillon plus perturbant que véritablement construit, il suffit
d’épousseter tout ça et de laisser le cœur faire le reste.
Ma façon de faire (après, si tu
t’en sers pas tant pis pour toi, je considérerai que t’es un genre d’ail pourri,
mais ça c’est toi qui vois) :
• J’ai immédiatement le titre, que je note en
premier et qui reste ma seule ligne directrice. Il est le meilleur résumé de
ton histoire.
• Viennent ensuite les personnages. Au moins cinq
pages de schémas et de tableaux, de liens et d’explications fines de chaque
personnalité ! Un bordel. Mais le bordel utile ! Quand ton roman se
veut thriller et que l’intrigue appelle à trois tomes, il te faut une parfaite
maîtrise des protagonistes. On étale, puis on efface, on jette et on remet mais
peu importe ! Rien n’est inutile, chéri.
• Puis les recherches. Peu importe le sujet,
l’époque, les lieux, tes envies farfelues ou même ta volonté d’inédit, tu dois
mettre ton nez dans Google et savoir de quoi tu parles. C’est pas parce qu’on voit
qu’un avion vole qu’on sait pourquoi ! Bon, ben c’est pareil pour
l’écriture : va pas me pondre une intrigue à Moscou sans aller voir un peu
la tête qu’elle a. Jean-Michel Philosophe vous salue bien bas.
• Enfin, les chapitres. Je les déroule une première
fois, un par un, j’en écris le résumé et les principales actions. Elle écrit
des conneries mais elle s’organise, la meuf ! De manière générale, à force
de relecture et d’avancée dans le récit, la plupart reste intacte et le premier
jet s’avère celui qui me satisfait le plus.
Maintenant que tu as tout noté,
que tu as quarante-huit pages de préparation, que tes neurones jouent déjà des
claquettes, tu es prêt à te lancer dans l’épopée fantastique de
l’écriture !
Ça va être long. Ça va être fastidieux.
Des heures de syndrome de la page blanche, de remise en question, de désespoir
et d’envie que l’illumination te tombe dessus comme une défection de mouette un
matin à La Baule. Mais, finalement, ces mois à venir vont être les meilleurs de
toute ta vie.
Pour mon premier roman,
l’écriture m’a pris environ trois mois. Pour le second, six, bien qu’il fût
(avoue t’es bluffé de cette concordance de temps qui aurait fait mouiller
sa culotte à ta prof de français !) bien plus court et léger que le précédent.
Rien n’est prédéterminé, on reste tributaire de l’inspiration et des mots, mais
il ne faut jamais abandonner.
Il y a des moments de la journée
où la productivité a un pic assez étrange et résolument salvateur. Pour
moi : le matin, devant Downtown Abbey. Chelou. Chacun son caca. Choisis
ton moment, ton endroit, sans forcer ni jamais que l’exercice devienne aversif.
C’est une passion, un loisir, pas le bagne, oh ! Si tu ne te sens d’écrire
que le mardi, entre vingt-deux heures et quatre heures vingt-deux, grand bien
te fasse ! Personne ne t’obligera à rien et ton cerveau est seul aux
commandes.
Le premier de mes récits, cette
fameuse bête en trois tomes, m’a forcé à bon nombre de crises de nerfs. La
pression de l’enjeu, le rêve qui prend aux tripes, les nombreux codes à
respecter, tout était réuni pour que le stress soit l’écho au plaisir certain
que je prenais à voir naître mon histoire, mes personnages. Le deuxième, au
contraire, a été un bonheur de chaque seconde. J’étais plus sereine, je savais
à quoi m’attendre et j’ai décidé de ne réfléchir ni aux mois qui s’égrenaient,
ni à l’excessive lenteur dont je pouvais faire preuve (parfois un paragraphe en
huit heures, Saint Baveux roi des escargots réincarné en un écrivain en herbe
et son cerveau mou). Mon bébé, mes règles du jeu, mes sentiments et ma vie. Le
kiff.
Lors de l’écriture, il est aussi
indispensable de trouver des soutiens, des appuis, ces personnes chères à ton
cœur qui comprennent ce que tu es en train de vivre et qui s’y intéressent.
Fais-les lire, écoute leurs critiques, accepte-les, tu dois savoir rebondir.
Les éditeurs, eux, ne te diront rien et tu réaliseras que tu aurais préféré une
pléiade de points négatifs plutôt qu’un silence inexpliqué.
Le moment chiant. Tu as écrit une
vingtaine de chapitres, tu es au bout de ta vie, tu as posé le point final et…
Et… Tu recommences. Le chapitre premier te semble insipide et d’un manque de
talent flagrant, tu désespères, mais c’est un bon signe (la Maison du
Masochisme, bonjour et bienvenue, un petit coup de martinet pour accompagner
votre dépression ?) ! En un roman tu as évolué, ton style s’est affiné, tu
progresses, toujours. Il faut respirer par les oreilles, revoir avec attention
tes paragraphes, réarranger les phrases, enlever les détails inutiles, ajouter
ceux qui manquent. Tu es une machine de guerre, mon pote, tu vas les envoyer
tout droit au septième ciel tes lecteurs !
Pour un roman d’action, on pense
au nerf, à la vivacité des événements sans se perdre sous une montagne de
descriptions inutiles (crois-en mon expérience, jeune padawan). Pour une trame
bien plus romantique et légère, on peut bombarder sans tomber dans l’excès et
la forme, en faits, est bien plus libre !
Sois patient, ne bâcle pas la
relecture. De toute façon, sinon, je te tape.
Une fois que tu as fini, que
c’est vraiment bon, que tu es sûr, tu pleures ! Et tu te siffles toute une
bouteille de champagne en tutoyant Dan Brown qui devient un peu ton collègue,
t’as vu.
Après ces longs mois d’une
écriture haletante et de recherche d’un imprimeur (deux refus à Bordeaux, n’est-ce
pas, dont un qui avait simplement la flemme de se taper huit exemplaires de
cent-quatre-vingt-sept pages chacun et qui m’a envoyé paître comme un mouton
galeux), ils étaient là, tangibles, mes manuscrits chéris. Manuscrits imprimés
recto seulement, interligne 1.5, marges normales, Times 12, thermocollé avec
couverture transparente. De rien.
Puis les éditeurs.
SELECTIONNE-LES. Le premier que je vois envoyer un roman érotique à Albin
Michel, je lui balance un coup de Werber dans la tronche et il fait mal !
Très, très mal. Rien ne sert de tenter vingt maisons si elles ne correspondent
pas à ce que tu écris : tu vas perdre du temps, de l’argent, et le reste
de ta dignité. N’oublie pas la lettre explicative qui accompagne ton
envoi ! Qui t’es, pourquoi tu les dérange, le résumé de ton histoire,
pourquoi la vie, pourquoi la mort. Rayez les mentions inutiles.
Enfin, après cent euros laissés à
la Poste et environ trois mois d’attente, les réponses vont peu à peu venir
hanter ta boîte aux lettres. Si tu as fourni une enveloppe affranchie à ton
courrier, ils auront la délicatesse de te renvoyer ton manuscrit, accompagné de
ce gentil courrier qui te dit non. Je te le donne en exclusivité :
« Bien que votre roman ait de nombreuses qualités, il ne correspond
malheureusement pas à notre ligne éditoriale actuelle. » Bref, non merci,
à une prochaine.
Puis, au milieu de l’amas de
refus qui t’arrachent le cœur, le non gentil. Il te ferait presque plus plaisir
qu’un oui. Le mien est venu de ma maison d’édition idéale (par pure parano,
vous remarquerez que je n’en dis pas trop, on sait jamais, le karma, le FBI, ce
genre de conneries) : un non, peut-être. Tout droit venu de la chef
éditrice en personne (je me suis sentie pousser des ailes), les points à revoir
étaient clairement indiqués et on me demandait de renvoyer le manuscrit ainsi
corrigé ! LE SAINT GRAAL, MA GUEULE. Si un jour ce roman est publié, je
jure solennellement faire le câlin de sa vie à cette femme qui a, sans le
savoir, donné un nouveau souffle aux fantasmes de mon existence.
Le deuxième, au jour où j’écris
cet article, a été envoyé à quatre maisons il y a maintenant trois semaines. Je
me pisse dessus.
Je n’ai jamais tant espéré.
Pour conclure cet article peu
approfondi, mon âme sans doute trop fébrile dès que j’évoque ce qui a le don de
faire brutalement battre mon cœur, je ne saurais que m’associer à tous ces
gourous d’une époque bien sombre et vous dire que les rêves sont accessibles et
que rien, jamais, ne doit prendre le pas sur votre bonheur véritable. Quel
qu’il soit.
Un baiser sur ta fesse droite.
2 commentaires
Maismaismais j'ai l'impression de lire une autobiographie en parcourant ton post, c'est EXACTEMENT comme ça que ça a été pour moi. Les fanfics Skyrock et le RPG (j'ai arrêté l'un, pas l'autre *fusillade*) puis le passage progressif aux fictions originales. Et la galèèèèère, l'immense galère pour ne serait-ce que finir un seul de ces projets (spoiler : je ne l'ai toujours pas fait, car je passe trop de temps au niveau de la pré-écriture). Franchement c'est génial pour ton non-peut-être, ça peut apporter tellement de chose à ton manuscrit ! Ye suis yalouse.
RépondreSupprimerSuper article en tout cas :D
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Dingue qu'on soit à ce point sur le même fil ! Comme quoi, finalement, la fan fiction ça a du bon huhuhu. Allez; ne lâche pas et fonce sur tes projets ! Pour toi d'abord. Venir à bout d'un roman ou d'une fiction c'est.. mama, le nirvana de l'amour de la quintessence de la satisfaction. Rien que ça. Tiens moi au courant ;)
SupprimerA bientôt !